[17] « L’Art Abstrait » (trans. C. Schlatter), Art-Language 1975-78, Editions E. Fabre, 1978, pp. 31-45 (pp. 35-36).
Comment l’Artiste Abstrait peut-il se défendre, lorsqu’il dit : « Je ne vois pas ce que vous décrivez », ou bien : « Je ne vois pas votre X comme le Y que vous prétendez qu’il est ». Il se pourrait bien d’ailleurs, qu’avec la meilleure volonté du monde le spectateur en soit purement incapable. De son point de vue, l’œuvre d’art est essentiellement opaque. L’artiste et ses défenseurs doivent se résoudre à traiter leurs locuteurs comme un « adulte » traite un « enfant », ou un philosophe académique un profane, ou un employé de la Sécurité Sociale un assuré, c’est-à-dire comme suit : « Vous ne comprenez pas (vous ne voyez pas l’X en tant qu’Y) parce que vous n’en savez pas assez / vous ne ressentez pas d’une façon suffisamment profonde ; vous ignorez ce qu’il faut chercher et si je suis ici, c’est pour vous le dire ». L’Artiste Abstrait et le Moderniste sont impliqués dans la bureaucratisation de l’expression du sentiment et font ainsi partie, caractéristiquement, d’un monde qui essaie de faire passer des schibboleths pour des visions, des déclarations chargées de théorie pour des « faits de nature objectifs ». Normalement les bureaucrates défendent leurs fonctions en montrant comment ces fonctions sont limitées (moralement) : « Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas de mon ressort » ; « je vous aiderais volontiers mais je n’en ai pas le droit » ; « vous ne pouvez… dans des considérations sur la peinture » etc. Il arrive un moment où les déclarations du genre « les sculptures de Caro essentialisent la signification en tant que telle » (sic), ou « Noland est un grand peintre » sont du même niveau que celles du genre : « les classes ouvrières sont paresseuses ».
[17] « L’Art Abstrait » (trans. C. Schlatter), Art-Language 1975-78, Editions E. Fabre, 1978, pp. 31-45 (pp. 35-36).
What defence does the Abstract Artist have to one who
says, ‘I don’t see what you describe’ or, ‘I don’t see your x as the y you
claim it is’? It may well be that, with the best will in the world, the spectator
just can’t; from where he stands the artwork may be essentially opaque.
The artist and his defenders have to resort to treating their locutors as
an ‘adult’ would a ‘child’, or an academic philosopher a layman, or a social
security official a claimant; i.e., ‘You can’t understand (can’t see x as
y) because you don’t know enough/don’t feel deeply enough; you don’t know
what to look for and that’s what I’m here to tell you.’ The Abstract Artist
and the Modernist are involved in the bureaucratization of the expression
of feeling, and they are thus characteristically part of a world which attempts
to enforce shibboleths as insights and theory-laden statements as ‘objective
facts of nature’. Bureaucrats normally defend their functions by pointing
to the ways in which those functions are (ethically) limited: ‘I can’t do
that, it’s not my job’; ‘I’d help you if I could, but I’m not allowed to’;
‘You can’t bring … into considerations about painting’, etc. There is a level
at which statements like, ‘Caro’s sculptures essentialize meaningfulness as
such’ (sic), or, ‘Noland is a great painter’ reduce to equivalence with statements
like, ‘The working classes are lazy.’