Texte français
English text

 

 

[30] ‘Interview with Art & Language’ in Aliaga and Cortes (eds.) Arte Conceptual Revisado/Conceptual Art Revisited, Universidad Politecnica de Valencia, 1990, pp. 175-187 (pp. 175-176).

Ce que nous avons cherché à faire, en en ayant fini avec les tendances ultra-minimalistes autour de 1966, a été de produire un travail capable de supprimer non seulement les voix de l’orthodoxie moderniste au sens où elles avaient une influence contingente et non-cognitive, mais aussi le spectateur qui produisait ces voix. Cette possibilité devait se faire (et, dans un certain sens, s’est faite) par la suppression dans notre travail de tout, ou presque tout, le contenu non-réfléchi. Le texte, ainsi que l’activité discursive dont il est témoin, élimine tout, à part une trace atrophiée, ce qu’on appelait auparavant la part du spectateur – une part qui émettait la voix du consommateur critique autoritaire.

Je dois essayer d’être bref, et je vais donc proposer un exemple contrasté. L’Art Conceptuel aux États-Unis est caractérisé par un historicisme assez primitif. Un artiste en particulier, par exemple, défendait (et pour autant que je le sache, continue à défendre) une théorie du train rapide du « progrès » de l’avant-garde – à savoir, que les « mouvements » ou les tendances de l’art sont disposés à la suite les uns des autres en longues particules linéaires; cela mène à de tristes métaphores de locomotives et de tenders. Les artistes conceptuels associés à cet historicisme ne cherchaient, c’est ce que je suggère, qu’à être des apostats mécaniques de l’orthodoxie moderniste; en fait, ils cherchaient à s’emparer des instruments du pouvoir.

Un autre trait remarquable de l’Art Conceptuel américain (et, comme ces choses ont rapidement été notées, nous avons laissé tomber « The Journal of Conceptual Art » du titre de notre magazine) n’est pas qu’il est factice, mais plutôt qu’il est primitif – et primitif dans un sens qui se rapproche de Grandma Moses. Je peux défendre cette affirmation. Beaucoup d’œuvres ont été poursuivies et produites avec la croyance que les concepts étaient plus ou moins « sur » le mur, que les morceaux de papier étaient les endroits sur lesquels les concepts étaient « rejetés », que les petites démonstrations de puzzles philosophiques (cf. La Clé des rêves de Magritte), qui apparaissaient comme des révélations à l’artiste, inauguraient réellement une nouvelle période artistique après la philosophie, qu’il existait une race qui avait été la première à découvrir ce trésor, etc. Tout cela est plutôt ennuyeux, mais ce que je viens de dire explique une chose ou deux, par exemple le ridicule pathétique instructif où réside l’étrange pouvoir de séduction du travail de Lawrence Weiner, et le fait qu’un ancien collègue donne à des œuvres produites en 1969 – 1970, 1975 ? – la date de 1965 dans sa précipitation hystérique à vouloir être le Magellan d’un (voy)âge qui ne peut exister que dans l’historicisme brutal de la paranoïa commerciale.

Il existait d’autres caractéristiques de la période Art Conceptuel. Parmi celles-ci la fascination pour la distribution qui caractérise les nombreuses opérations d’art postal de l’époque. Nous avons cherché à corriger ou à désarmer ces tendances ainsi que d’autres. Pour finir, je pense que nous avons simplement trouvé un chemin dans le labyrinthe du discours : les ignorer. (MB)



 

 

[30] ‘Interview with Art & Language’ in Aliaga and Cortes (eds.) Arte Conceptual Revisado/Conceptual Art Revisited, Universidad Politecnica de Valencia, 1990, pp. 175-187 (pp. 175-176).

What we set out to do, having got over the ultra-minimalist tendencies around 1966, was to produce work capable of suppressing not simply the voices of modernist orthodoxy insofar as they had some contingent and non-cognitive ascendency, but also the beholder from which this voice issued. This possibility was to be realised (and to some extent was realised) in the suppression in our work of all, or almost all unreflected content. The text, and the discursive activity to which it attests removes all but the vestigial memory of what used to be called the beholder’s share – a share from which issued the voice of the authoritarian critic consumer.

I must try to be brief, so I proceed to offer a contrasting example. Conceptual Art in the U.S.A. is characterised by its rather primitive historicism. One particular artist, for example subscribed (and for all I know, still subscribes) to an express-train theory of avant-garde ‘progress’ viz : that art ‘movements’ or tendencies are arranged serially in long linear particles; sad metaphors of locomotives and cabooses ensue. The Conceptual artists associated with this historicism were, I suggest, only concerned to be the mechanical apostates of modernist orthodoxy: in effect, they were concerned to take over the instruments of power.

One other thing that is remarkable about most U.S. Conceptual Art (and because these things became noticeable rather quickly, we dropped ‘The Journal of Conceptual Art’ from the masthead of the journal) is not that it is factitious, but rather that it is primitive – and I mean primitive in a sense adjacent to Grandma Moses. I can defend this assertion. Much work was prosecuted and produced in the belief that concepts were somehow ‘on’ the wall, that pieces of paper were places upon which concepts were ‘rejected’, that small demonstrations of philosopher’s puzzles (cf. Magritte’s Key of Dreams) which came as revelations to the artist did inaugurate a new age of art after philosophy, that there was a race to be first to have discovered this treasury, etc., etc. It’s all rather dull, but the immediately foregoing accounts for a few things e.g., the instructive bathos in which resides the strange compelling power of Lawrence Weiner’s work, and the fact that a former colleague backdates work actually produced in 1969 – 1970, 1975? – to 1965 in his hysterical haste to have been the Magellan of a (voy)age which can only exist in the brutal historicism of commercial paranoia.

There were other characteristics of the Conceptual Art moment. Among them that fascination with distribution that characterises the many postal art operations at the time. We sought to correct or to disarm these and other tendencies. In the end, I suppose, we merely found a way, in the labyrinth of discourse, to ignore them. (MB)