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[38] ‘Ways of Seeing’, Art-Language, Vol. 4, No. 3, October, 1978, p. 73.

« Demander qu’une chose soit peinte et mise sur une toile n’est pas très différent de l’acheter et de l’installer chez soi. » Mais, d’un autre côté, c’est tout à fait différent. « Si on achète une peinture, on achète aussi l’aspect de la chose qu’elle représente. » (Ways of Seeing, p. 83, Voir le voir.) Si le concept d’achat doit avoir un sens, il faut sans doute qu’il fasse référence à un comportement potentiel dans un marché potentiel; quel genre de marché aurions-nous besoin d’envisager afin de concevoir l’achat de « l’aspect d’une chose » ? Sans doute cette piètre métaphore – car elle ne peut pas être autre chose – doit-elle être interprétée comme étant fondée sur le concept (tout aussi impénétrable) de Benjamin selon lequel une image fixe l’« apparence » d’une chose ; mais même si nous pouvions accepter qu’il y ait là une signification quelque part, il ne s’ensuivrait pas vraiment que l’« apparence » pourrait d’une façon ou d’une autre être achetée en tant que marchandise qui puisse être conceptuellement détachée de l’identité matérielle. WS semble avoir l’ambition de nous persuader que le monde est rempli de méchants riches achetant des catégories idéales ; ainsi l’acquisition devient une forme de (quoi ?) comportement idéologique ; en cours de route, les aspects réalistes et opérants des critiques matérialistes sont désamorcés, comme s’ils étaient vraiment un peu trop grossiers pour le monde de WS (ce qu’ils sont sans doute).

Le rôle des illustrations, ici comme ailleurs dans le livre, est caractérisé par le genre d'imprécision qui, dans des contextes plus rigoureux, serait simplement attribué à un savoir fragile : ignorance (au mieux) ou dissimulation (au pire) des aspects de ce que l’on sait pouvoir être utilisé, même par un simple processus d’élucidation, afin de démolir l’argument proposé. Quelle signification les lecteurs sont-ils supposés donner aux liens entre les deux phrases citées plus haut et l’illustration qui les suit, une peinture hollandaise du dix-septième siècle représentant les trésors rassemblés dans la Yarmouth Collection. Que la peinture exprime une sorte d’envie de la part de son propriétaire, la tentative, en prenant possession de l’« aspect » des objets représentés, de parvenir à posséder les objets eux-mêmes ? Le fait, facilement deviné, que la peinture a été exécutée afin de cataloguer la collection pour le bénéfice du collectionneur lui-même suggère une interprétation différente et plus simple de la relation entre le fait de posséder des objets et le fait de posséder des peintures d’objets : comme c’est surprenant ! les mêmes gens peuvent acheter les deux. (Et on pourrait ajouter qu’au dix-septième siècle, les conditions techniques et sociales de la production de peintures et les conditions techniques et sociales de la production d’objets de prix tels que ceux qu’illustrait la peinture de la Yarmouth Collection étaient plus ou moins les mêmes.)

Ici comme partout dans les textes de John Berger, lorsque les allusions finaudes et rhétoriques sont le moins du monde compréhensibles, elles révèlent une évidence des plus simplettes.



 

 

[38] ‘Ways of Seeing’, Art-Language, Vol. 4, No. 3, October, 1978, p. 73.

“To have a thing painted and put on a canvas is not unlike buying it and putting it in your house.” Or, on the other hand, it’s not much like it at all. “If you buy a painting you buy also the look of the thing it represents.” (WS, p. 83.) If the concept of buying is to have any meaning it needs presumably to refer to some possible behaviour in some possible market; what kind of market would you need to envisage in order to conceive of buying “the look of a thing”? Presumably this feeble metaphor – which is all it can be – is to be seen as underwritten by Benjamin’s (equally impenetrable) notion that a picture fixes “an appearance” of a thing; but even if we could accept a meaning in that somewhere, it wouldn’t quite follow that that “appearance” was somehow purchasable as a commodity to be conceptually prised away from material identity. WS’s ambition seems to be to persuade us that the world is full of nasty rich people buying up ideal categories; thus acquisition becomes a form of (what?) ideological behaviour; in the process the realistic and operative aspects of materialist critiques are defused, as if they were somehow too loutish for WS’s world (which they no doubt are).

The role of illustrations here as elsewhere in the book is characterised by the kind of evasiveness which in more rigorous contexts would be put down as simple bad scholarship: ignorance (at best) or concealment (at worst) of such aspects of what is known as might be employed, if only by simple process of elucidation, to defeat one’s argument. What sense are readers supposed to make of the relationship between the two sentences quoted above and the illustration which follows them, a seventeenth-century Dutch painting of the assembled treasures of the Yarmouth Collection? That the painting expresses a kind of envy on the part of its owner, an attempt, by taking possession of “the look” of the objects represented, somehow to possess the objects themselves? The predictable information that the painting was made to record the collection for the benefit of the collector himself suggests a different and simpler interpretation of the relationship between the owning of objects and the owning of pictures of objects: surprise, surprise, the same people can afford both. (And it might be worth adding that in the seventeenth century the technical and social circumstances of the production of paintings overlapped to a great extent with the technical and social circumstances of the production of expensive objects such as those illustrated in the painting of the Yarmouth Collection.)

Here as elsewhere in John Berger’s writing, insofar as the cunning rhetorical hints are penetrable at all, they reveal the paralysingly obvious.