[17a] « L’Art Abstrait » (trans. C. Schlatter), Art-Language 1975-78, Editions E. Fabre, 1978, pp. 31-45.
Lorsqu’on fait remarquer que toute objection au modernisme doit être fondée sur une objection à l’art abstrait, on ouvre un éventail de possibilités critiques. La moindre est que tout rejet/réfutation du modernisme doit être un rejet/réfutation de l’art abstrait. Voici une autre observation, semblable, mais plus problématique : toute objection substantielle au modernisme en particulier, doit être un rejet ou une réfutation de l’art abstrait en général. Cette dernière remarque est la plus puissante, mais elle court le risque d’avoir un sens Moderniste-ique. Le caractère problématique et difficile de la suggestion est dû à la difficulté de classement rencontrée lorsqu’on réalise que le modernisme est en quelque sorte postulé en tant que base critique. On est tenté de la laisser de côté, au profit d’une autre, à savoir, qu’il arrive parfois que la plupart (ou bon nombre de) des objections faites à/réfutations de l’art abstrait (art anti-réaliste) s’avèrent être des rejets/réfutations du modernisme. Cela vaut la peine de résister à la tentation, bien qu’elle soit très proche d’une base sociale de critique, car le modernisme, sous l’une ou l’autre de ses formes évolutives, a été l’idéologie dominante explicite de l’art abstrait.
Si l’on est préoccupé par la simple topicalisation, on ne rencontre aucun problème d’ordre qui soit vraiment substantiel ; il s’agit d’un problème d’histoire – véritable histoire, bien que située très haut dans la superstructure. On est forcé de prendre en considération la récente histoire dialogique du sujet de l’art abstrait et de conclure qu’en fait, toutes les attaques portées contre le modernisme sont le résultat des efforts faits en ce sens par la mystification critique. L’art abstrait est une offense pour les gens et pour l’histoire, son bureau administratif est simplement… plus administratif.
La plupart des pratiques non-artforumistes, celles prétendument situées en dehors du cadre du modernisme ‘normal’ (comme les efforts européens qui invoquent Worringer, Freud, etc.) s’y sont fondues d’une certaine manière, ou s’y sont vu absorbées. Dans un sens non spécialisé du « modernisme », les versions journalistiques de l’histoire de l’art ont distingué à travers les âges les déviants comme des représentants héroïques, dans un esprit de défense chronoclaste de l’individualisme possessif. Une évaluation ainsi reconstruite de la vigueur du besoin de l’artiste d’exprimer ses ‘sentiments’ au mépris des normes sociales, a fait l’objet d’une propagande la présentant comme la mesure de son statut (historique). En général, ceci, en l’absence de toute étude sérieuse de la réalité des normes contemporaines de la pratique. On imagina ainsi une pseudo-histoire, selon laquelle la fonction dynamique de l’artiste est l’expression du ‘sentiment’, particulièrement le sentiment d’hétérodoxie. (Bien sûr, il ne devrait pas être trop difficile d’établir un contexte de débat tel qu’on pourrait rejeter ce sentiment d’hétérodoxie comme étant simplement absurde.) L’avènement de l’art abstrait a vu une prolifération de slogans ‘anti-matérialistes’, qui louaient la suprématie du sentiment ‘pur’: de la ‘nécessité intérieure’, de la ‘non-objectivité’ (c’est-à-dire la subjectivité ‘pure’), de la ‘spiritualité’ etc., etc. Ou a popularisé récemment l’American Post-Painterly Abstraction en termes similaires (Noland, Olitski et les autres). ‘Si ces peintures échouent dans leur rôle de véhicule de l’expression du sentiment, elles échouent tout à fait, en tout’ (Greenberg). Qu’importe la largeur, sentez la qualité.
Les racines de cette tendance à historiciser l’art sont enfoncées profondément dans le romantisme de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles, et dans l’intuition qu’eut l’artiste du XIXe siècle de la dysfonctionnalité croissante de sa pratique (en tant que production) au sein d’une société industrielle. Il existe un sens dans lequel l’étude de l’art et de la théorie de l’art du XIXe siècle peut servir de critique de l’histoire sociale – Ruskin et Morris n’étaient pas uniquement de bons critiques d’art – mais on a perdu de vue l’histoire au sens ‘large’ au profit de ‘l’appréciation’ de l’art qui est devenue de plus en plus un sujet de spécialisation. (Vous devez ressentir les bons sentiments.) Au cours de son évolution depuis le débat du siècle, le modernisme a eu tendance à ‘absorber’ les déviants dynamiques dans une histoire superficiellement autoritaire et rigoureuse : celle d’une pratique préoccupée par l’incorporation et la sauvegarde de la ‘valeur’ devant les tentatives de popularisation et de trivialisation de la ‘culture’. (La rigueur consiste à dépouiller l’art des préoccupations qui ne lui sont pas ‘naturelles’.) L’annexion et la réhabilitation de l’hétérodoxie est bien sûr une tactique libérale caractéristique. Le modernisme, ce n’est rien d’autre qu’une dialectique rebaptisée dans le but de s’en débarasser en la flattant. La découverte des aspects de cette vieille pseudo-Weltanschauung qui donne l’impression que le modernisme est (psychologiquement) inséparable de sa tradition, fournit une réflexion de la bureaucratie moderniste. Le fait que les modernistes d’Artforum ignorent leur propre généalogie historique n’est pas un signe d’indépendance. La tradition est davantage d’une seule pièce et s’insinue bien plus qu’on ne peut l’imaginer. Sa monopolisation effective par le modernisme signifie que la mystification tout comme le capitalisme du monopole, a acquis une économie et une élégance superficielle.
Toute critique de l’art abstrait qui le qualifierait comme étant ‘erroné’ devra être soigneusement élaborée, presqu’au point d’en devenir une parodie et une auto-parodie. Considérez : ‘Nous devrions essayer de nous occuper d’une occurrence contingente (ou épiphénomène ?) : l’art abstrait en tant que produit social contingent et produit historique est dans une certaine mesure ‘un reflet de la réalité’ – d’une certaine espèce ; dans la mesure où il était/est déterminé, on ‘avait seulement besoin de faire objection à la réalité déterminante’, ou ‘Ne déplorez pas les symptômes, traitez la maladie’. Les faits sont beaucoup moins schématiques, beaucoup moins serviles structurellement. On ne peut pas éviter la complexité.
On suggère deux ou trois points de départ. De l’un d’eux, on peut dire que l’art abstrait en tant qu’art-ayant-une-tradition ne fait pas le travail qu’il est censé devoir faire. D’un autre, on peut dire que l’art abstrait fausse toute base praticable, ou bien qu’il contribue à l’infecter, d’une manière fatale. Les deux critiques sont dialectiquement réciproques. C’est en ne faisant pas son travail que l’art abstrait a des effets caractéristiques (ce point peut être fondamental pour une critique ‘radicale’); c’est une réflexion (si c’en est une) faussée ; c’est aussi une Intervention faussée dans la ‘base’ ou ‘réalité déterminante’ qui est aussi (encore plus) faussée. La propagande en temps de guerre entretient le même genre de rapport avec les circonstances dans lesquelles elle se développe.
Qu’il soit clair dès le départ que nous n’avons pas l’intention d’en arriver à blâmer ‘la société’ à cause de l’art abstrait. Il ne sert à rien de retomber dans le cercle vicieux qui consiste à dire que l’art abstrait n’est pas autre chose qu’un produit historique contingent, qui peut seulement être décrit en tant que signe de décadence. On serait tenté de le faire, mais alors nous n’apprendrions rien des réalités des défenses idéologiques de la classe dominante. Ce n’est pas en faisant quelques objections à un symptôme historique et ce, à l’intérieur des a-priorités de la distribution de la fonction, qu’on espère y mettre fin. Il est évident qu’on y fait objection, tout comme on fait objection à tant de caractéristiques de l’histoire, de notre histoire qui a fixé l’esprit et les idées, l’idéologie, et la fabrication de l’histoire.
Nous devrions examiner quelques unes des défenses. Une défense pseudo-circonspecte de l’isolationnisme privilégié consiste à dire que (par exemple) la peinture a un statut linguistique ou paralinguistique. Vous savez, les ramassis d’opinion disant que les peintures sont (dans ?) un ‘langage visuel abstrait’ (ou concret) – idées qui sont la plupart du temps manifestement absurdes. Elles présupposent une fonction cognitive séparable (peut-être est-ce à cela que pensent ces crétins de professeurs de matières artistiques lorsqu’ils parlent ‘d’intelligence visuelle’ – qui donne une signification à différents signes. Ce sont là des idées métaphysiques ; il n’y a jamais de réflexion démontrable dans la ‘cognition’ des langages que les ‘objets’ sont supposés (paradoxalement) contenir ou révéler. C’est faux. Nous recevrons toujours des gages de… de quoi ? Des gages pseudo-linguistiques… et pas de pratique. On peut retracer l’erreur jusqu’à l’époque d’une esthétique assez crue où les parties intéressées essayaient de raccommoder un concept de fin approprié, en tant que partie d’une justification du ‘nouveau phénomène’ que représentait l’art abstrait. En fait, il n’a jamais été démontré d’une façon convaincante, qu’on nous ait jamais offert quelque chose de plus fort que l’équivalent de perturbations acoustiques ordonnées, en tant que symptôme d’un phénomène d’enculturation ou en tant que point de ralliement de revendications historiques tout à fait distinctes (c’est-à-dire non reliées d’un point de vue structurel) – perturbations ‘non significatives’, sauf en tant que forme d’idolâtrie. Entre, alors, l’idéologie sur une scène vide. On fournit à ceux qui adhèrent à de telles idées une sorte de tableau historique (constructible) soutenu par des conventions interprétatives, dénué d’histoire en tant qu’histoire, mais faisant semblant de fabriquer de l’histoire. ‘L’essayer un peu partout sur le tableau’ pour voir où elle s’ajuste est une activité obligatoire, éloignée du tempérament historique – une vérification obligatoire.
La question du rapport entre discours ‘direct’ et discours ‘indirect’ se répercute en tant que question substantielle (non-scandaleuse) de ‘signification’. Nos propres questions historiques, en tant que telles, sont posées au moment où la lutte est la relation entre ‘l’utilisation d’un article’ pour certaines fins historiques et la réification au-delà de la possibilité de caractère direct (entre…). Le second lemme révèle la nécessité de préserver certaines caractéristiques logiques ‘directes’ (ayant un rôle à jouer à l’intérieur de l’éventail de la pratique ‘culturelle’ ou sociale – la projectivité) ; la lutte se situe au niveau du rapport entre ce qui peut s’apprendre et ce qui peut être pratiqué. La difficulté ‘d’avoir un rôle à jouer’ est une difficulté présentée par l’enveloppe idéologique. C’est forcé qu’il y en ait. La pratique de l’apprentissage des règles de la consommation et de la contemplation peut, dans le meilleur des cas, être un régulateur réciproque, mais sa durabilité idéologique est surprenante.
Un certain nombre d’invocations ‘significatives’ de l’art abstrait sont situées bien en dessous du matérialisme minimum acceptable. Afin de dépasser tout caractère fortuit, les pratiques historiques, les pratiques sociales (et dans ce dernier cas, les ‘objets’) doivent posséder une force historique vérifiable et/ou un fond de détails (et non pas un simple filigrane). Avez-vous jamais entendu parler d’une forme d’art abstrait qui possède ces caractéristiques ? L’opacité n’a vraiment aucune place en tant que relativisme psychologique ; un tableau historique non-privilégié ne peut l’adapter, ni lui ni son enfant dialectique. L’art abstrait ne peut se donner aucune de ces caractéristiques nécessaires (simples), car ce sont des caractéristiques historiques et réalistes. En tant que concepts, elles n’ont aucune ramification, ni dans les cercles psychologiques, ni dans les conventions a-historiques comme celles qui soutiennent l’art abstrait.
On peut dire de la ‘pensée critique’ de l’art abstrait qu’elle est, au mieux, faiblement réciproque en ce qui concerne la projectivité historique, qu’elle a ses racines dans une autonomie harmonieuse ; mais elle n’a ni fond, ni vigueur, ni histoire, ni moyen/signification. Comment l’artiste abstrait pourrait-il jouer un rôle en tant qu’artiste abstrait dans un projet social qui n’était pas un simple étayage de la structure de soutien de sa propre pratique ? C’est-à-dire quelles formes d’expérience, hormis le simplement ‘technique’, pourrait entrer en jeu en tant que déterminant un concept de force (historique) dans cette pratique, et comment un sentiment de la complexité dans l’expérience pourrait-il arriver à se manifester en tant que ‘fond de détails’ adéquat ? Les réponses doivent dépendre (ont dépendu caractéristiquement parlant) de l’invocation d’un trait distinctif qualitatif dans (la perception de) des phénomènes ‘purs’ (a-sociaux), ou alors, les ‘artistes abstraits (et leurs admirateurs) sont des gens sensés’ (à qui l’on doit donc confier des ‘responsabilités’). Dire que l’art abstrait soutient (représente) une complexité interprétative suffisante (considérée comme distincte de ‘l’ordinalité’ etc.) n’est pas fondé, dans la mesure où l’on confond la complexité avec l’ordinalité ‘démographique’ ou généralité de la consommation l’(a) (‘capacité d’) expansion’ psychologique. Ces revendications sont faussées par la ‘divergence’ historique qui est artificiellement maintenue en ‘ordre’. C’est pourquoi les propres évaluations de l’art abstrait ne peuvent pas grand chose pour le préserver.
Comment l’artiste abstrait peut-il se défendre, lorsqu’on lui dit : ‘Je ne vois pas ce que vous décrivez’, ou bien: ‘Je ne vois pas votre X comme le Y que vous prétendez qu’il est’. Il se pourrait bien d’ailleurs, qu’avec la meilleure volonté du monde le spectateur en soit purement incapable. De son point de vue, l’œuvre d’art est essentiellement opaque. L’artiste et ses défenseurs doivent se résoudre à traiter leurs locuteurs comme un ‘adulte’ traite un ‘enfant’, ou un philosophe académique un profane, ou un employé de la Sécurité Sociale un assuré, c’est-à-dire comme suit : ‘Vous ne comprenez pas (vous ne voyez pas l’X en tant qu’Y) parce que vous n’en savez pas assez/vous ne ressentez pas d’une façon suffisamment profonde ; vous ignorez ce qu’il faut chercher et si je suis ici, c’est pour vous le dire’. L’artiste abstrait et le Moderniste sont impliqués dans la bureaucratisation de l’expression du sentiment et font ainsi partie, caractéristiquement, d’un monde qui essaie de faire passer des shibboleths pour des visions, des déclarations chargées de théorie pour des ‘faits de nature objectifs’. Normalement les bureaucrates défendent leurs fonctions en montrant comment ces fonctions sont limitées (moralement) : ‘Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas de mon ressort’ ; ‘je vous aiderais volontiers mais je n’en ai pas le droit’ ; ‘vous ne pouvez… dans des considérations sur la peinture’ etc. Il arrive un moment où les déclarations du genre ‘les sculptures de Caro essentialisent la signification en tant que telle’ (sic), ou ‘Noland est un grand peintre’ sont du même niveau que celles du genre : ‘les classes ouvrières sont paresseuses.
Il est possible d’oublier 1’(n’importe quel) intérêt intrinsèque des rapports (qu’on peut trouver) entre le discours indirect et la ‘pratique’ dans une circonstance transitoire, en nous amenant dans le royaume de la projectivité sociale. Dans la mesure où l’art abstrait ne peut virtuellement satisfaire aucune des exigences du caractère significatif (c’est-à-dire, son ‘sens’ ne peut exister que dans une circularité idéaliste), un concept protégé et solide de ‘signification’ est le ‘premier essai’ crucial dans une critique/analyse.
Les premières (et les dernières) réflexions d’une volonté d’être colonisé par une idéologie qui semblait indiquer un retrait par rapport à l’histoire, à l’historicité, à ‘la signification’ etc. en faveur d’une loquacité insouciante sont devenues, aujourd’hui, les petits classiques de la perversion. On ne fit aucune tentative pour trouver prise sur la culture de la ‘source’ (disons, les Etats Unis) ou seulement pour se donner un ‘style’ non-authentique. (Vers la fin des années 50 et dans les années 60 en Europe et en Angleterre, par exemple, le Pop Art ‘aimer-Amérique’ (réalime oblique) soutint l’art abstrait ‘aimer-Amérique’ (anti-réalime). Ils étalent historiquement congruents et symbiotiques. Tout le monde continua à parler avec inconscience, à tout le monde.) Il n’y a bien sûr toujours pas de relations authentiques entre le produit et les circonstances de la production. Considérez l’attitude prise vis-à-vis des soi-disantes structures de soutien.
Une sur-évaluation non-constitutive de produits dans la mesure où elle n’est pas byzantine, est forcément au moins une simple convention, une espèce d’axiologie parasite qui donne de ‘l’historicité’ – et on recommence le cercle. On ne doit pas considérer l’historicité circulaire de l’art abstrait comme un résultat ‘naturel’ de l’histoire de l’art. L’histoire fut propice ‘là-bas’ pour que l’art réaliste prenne des voies qui fournirent aux critiques force et signification. En circonstances ‘traditionnelles’ de réalime (relatif) il y avait (ou il y a) des conditions telles qu’un ‘peintre figuratif’ pouvait s’engager dans une problématique sociale (ou positions), sans référence excessive à/ou sans médiation de la part de, une théorie ou ensemble de quasi – phrases ‘culturelle’ générale et ‘externe’ (structure de soutien). Et cela ne veut pas dire qu’il avait seulement des projets d’actualisation naturels. Les choses arrivent vraiment ‘naturellement’, c’est-à-dire d’une façon non scandaleuse – si (dans une certaine mesure) elles sont à l’intérieur du réseau du déterminisme. Avoir ses ‘sujets’ partiellement choisis par l’histoire, c’est occuper une position plus forte – c’est avoir davantage de ‘possibilités de signification’ – que l’artiste abstrait peut jamais espérer occuper. Ceci n’est pas un lien commun anti-élitiste ; les points de référence historiques de la peinture figurative étaient/sont dynamiques/dialectiques ; ils ne forment pas un ‘tableau’ fixe, éloigné et non-réciproque, excepté en tant que ‘tout’ postulé. Le peintre figuratif avait affaire à un paysage de saillies et non à une plaine monotone.
Le relatif côté ‘naturel’ de la position du peintre figuratif est en grande partie dû au fait qu’il ne doit pas idéaliser sa propre technologie, c’est-à-dire qu’il n’est pas entièrement dépendant d’une structure de soutien métaphysique qui lui sert de médiation pour établir un lien entre des moyens d’expression et un ensemble d’exprimables (hypothétiques). Les possibilités iconiques et techniques qui lui seront proposées seront déterminées par des localisations et des significations idéologiques, historiques, non-privilégiées, scellées dans sa pratique en des points adéquats, en tant que/par des conventions. La force relative de sa position est en partie une question de ‘normalité’ structurelle des rapports sociaux et des engagements ontologiques impliqués dans la production de l’art figuratif conventionnel ; c’est dire que l’artiste figuratif traditionnel pouvait présupposer, en toute confiance, un public qui était intéressé par autre chose que l’observation de l’art, et qui avait d’autres buts que celui d’atteindre le grade de connaisseur ; cela présuppose aussi une compétence technique de l’artiste qui satisfasse ce public en établissant des rapports acceptables entre ‘regarder des tableaux’ et ‘regarder le monde’. Il y avait également force et complexité dans les modalités selon lesquelles de tels rapports étaient garantis en tant que rapports à l’intérieur des ‘conditions idéologiques’ données, quand ces conditions pouvaient être perçues comme ‘communes’ via le contexte établi par la critique, c’est-à-dire par les critères ‘d’effets heureux’ qui étaient appliqués à l’iconographie et à la technologie de l’art.
Les prétentions culturelles des artistes abstraits sont des allégations dans/de la part de(s) la structure(s) de soutien de leurs propres pratiques. La confusion règne partout. La structure de support est traitée comme une structure de non support, le produit vient d’abord et la structure de support lui est reliée, au lieu que ce soit l’inverse. La structure de support est en un sens ‘nécessaire’ mais elle est tendancieusement cachée. En dépit de son rôle, elle est concrètement incapable de/il y a peu de chance qu’elle soit capable de défier le produit… l’histoire. Ce n’est pas la projectivité ‘éthique’ de l’ensemble des produits qui est visée, c’est seulement sa compétence – ou celle de l’artiste – en tant qu’instrument capable de refléter les préoccupations de la ‘structure’ postulée. Mais maintenant vous parlez de caractéristiques génériques de ces sortes de ‘structures’, vous parlez de relations structurelles. (Si vous pensez aux ‘réelles’ structures de support, elles peuvent bien sûr être telles qu’elles contiennent des systèmes postulés ; dans ce cas vous les traiteriez différemment.)
C’est l’une des ironies caractéristiques de l’histoire de l’art de voir l’art abstrait colporté en tant que ‘purement visuel’, exister au milieu de ce bain chaud de structures de support. C’est peut-être une culture artificielle, qui ne pourrait survivre sans la stipulation et la tendance des conditions de milieu sophistiquées (c’est-à-dire, et au sens fort, ‘non naturelles’). Les pères fondateurs de la Peinture Abstraite, Kandinsky, Malevich, Klee, Mondrian, ont tous écrit abondamment. Dans l’ensemble, ce qu’ils ont écrit est idiot ; personne ne le lirait s’ils n’étaient protégés par leurs statuts d’artiste. Le statut de ‘praticien’ projette le théoricien dans une lumière aveuglante, qui est à son tour réfléchie, etc. L’art ‘purement visuel’, ‘rigoureusement non-littéraire’ des derniers modernistes est similairement soutenu, bien que, dans la division du travail, ‘les praticiens’ prétendent maintenant à une sorte de mutisme imbécile. K. Noland a dit : ‘Je n’écris jamais à propos de mon travail ; j’ai des types qui le font pour moi’. Tout ce que cela nous dit, c’est que ‘l’aliénation’ peut aussi fonctionner de haut en bas. C’est dans la ligne des histoires qu’on raconte à propos de Michel Fried allant dans le Vermont et qui avait été gêné par la quantité de marijuana fumée. Ce n’est pas qu’il est inconcevable que vous soyez capable d’accrocher à l’art de Noland (par exemple) sans savoir lire ; le problème c’est que vous ne pourriez pas accrocher, si vous n’étiez pas désireux d’avoir les mêmes espèces de pseudo-valeurs à votre ‘disposition’ afin que vous aussi, vous puissiez rêver de faire la fête dans la superstructure (de support).
Un structuralisme abstrait vous permet de construire autant de rapports (autour de vous) que vous le voulez ; c’est-à-dire que vous pouvez rendre le ‘support non-dialectique’; vous (ou vos intérêts commerciaux-conspirateurs) pouvez vous arranger comme vous le désirez. Le seul résultat dialectique consiste en de faibles querelles ‘ontologiques’ (lisez ‘idéologiques’) à propos du statut des différents constituants de l’ensemble. Les problèmes deviennent scandaleux, comme la philosophie ‘comme il faut’. Presqu’invariablement, vous vous retrouvez avec une ‘structure de support’ en tant qu’autorité plutôt qu’histoire ou que partie de l’histoire.
Comment peut-on commencer à écrire à propos de la peinture Moderniste, ou de l’art abstrait en tant qu’échec invraisemblable, pour arriver à ce qui devra être établi en tant que nécessités a priori objectives pour la défense (possible) socio-culturelle (ou possibilité historique) d’un type d’activité ? Nous devons commencer en expliquant ce que nous entendons par ‘conditions’ (à propos d’une activité) ; on ne peut légitimement réclamer l’autonomie pour le modernisme ; il doit être ‘sujet à…’. Plus généralement, on pourrait dire qu’une autonomie non dialectique est une erreur en ce qui concerne tout univers de discours, ou d’activité qui soit défendable. Cependant, il se peut que cela soit trop rudimentaire ; il faut postuler l’erreur ‘logique’ avant de montrer le ‘scandale’ en d’autres termes.
La ‘carte’ qui fonctionne de l’art abstrait, les postulats de facto à propos de ceux ‘qui marchent dans la structure’ etc. – tout cela est dit à des fins scandaleuses. La relation entre, par exemple, la structure ‘Moderniste’ et ce qui est ‘en dehors’ (putativement) est elle-même fondée sur l’erreur et des arguments spéciaux. Il y a, par exemple, des démarches supposées claires, partielles et ordonnantes – l’art en tant que subdivision ordonnée – des démarches simples et des relations voisines. Si quelqu’un arrive en pensant qu’il tient une bonne réplique quand il dit que les gens se spécialisent vraiment, s’engagent vraiment dans des activités séparées (discrètes) dans des univers de débat etc., ‘naturellement’, on devrait lui faire remarquer qu’il a compris ce que nous voulions dire. Aucune invention idéologique n’est requise. ‘Vous (en tant que Modernistes) mettez, vous avez mis en route rien de plus qu’un programme d’entraînement – idéologiquement.’ C’est une perversion de la différenciation de l’activité au niveau social.
La constitution de l’art abstrait ne fait rien d’autre que réclamer un territorium. Cependant, elle affirme quelque chose au sujet de son statut par rapport au ‘support’. Elle affirme, par exemple, que peindre des tableaux ce n’est pas seulement différent de les ‘vendre’, c’est ‘mieux’ que de les vendre. L’idéologie du ‘pur’ paraît déplacée dans une circonstance putativement structurelle – et encore plus dépassée quand vous voyez ce qui se passe en réalité. (Un célèbre Moderniste américain réprimanda un jour un ami qui avait donné une toile : ‘Si tu fabriquais des MG sports, les donnerais-tu ?’ L’analogie n’est pas tellement tirée par les cheveux puisque, lorsqu’il dit ‘MG’, il entend importation snob, plutôt que d’une bonne mécanique. Il se peut que son chiffre d’affaires annuel ne soit pas aussi élevé que celui de la compagnie MG, mais son profit, lui, l’est probablement.) Il existe d’autres hiérarchies ‘parallèles’. (Songez aux prix Nobel : G. Greene/un vieux raseur d’ex-Russe etc.)
Dans quelle mesure l’art abstrait (et + ce qui lui est apparenté) est-il un paradigme de/pour l’idéologie absurde de la ‘profondeur’ – le langage transcendant le langage, transcendant une mimésis en y renonçant. L’esthétique technique fait-elle de même ? Dans quelle mesure cette idéologie (celle de l’art abstrait) est-elle un modèle de la production super-structurelle ? L’art abstrait en tant qu’expression nécessaire (apparente) du caractère paradigmatique de la production structurelle (par certains côtés). (Nous parlons ici de l’art abstrait, mais nous pourrions aussi bien dire : ‘Mieux que cela : c’est tellement symptomatique’. La tendance naturelle est d’hésiter entre l’histoire et le caractère symptomatique.)
Il vaut mieux dire que l’art abstrait n’atteindra pas certains traits significatifs nécessaires au projet concernant la réalisation d’un progrès idéologique du renforcement de la classe dominante anti-transformationnelle, et si nous l’accompagnons, aucun concept convenablement interprété/fait de la réflexion de la réalité ne peut être réalisé. Ces traits significatifs sont fondamentaux à toute projectivité sociale/historique, quelle qu’elle soit.
En bref, c’est le modernisme qui fixe l’art abstrait et vice versa ; mais cette symétrie n’est pas toujours vraie. ‘L’ordre’ de la critique historique n’est pas fixé.
Il nous faut appuyer ce qui est dit à propos des artistes abstraits pris en tant qu’instruments idéologiques de la classe dirigeante, au lieu d’être (par exemple) des ‘scientistes sociaux’, ou ce à quoi (quoi que ce soit) on voudrait les voir ressembler. Ce qu’il faut, c’est une sorte de critique ‘traditionnelle’ : l’art abstrait est pour ainsi dire une offense pour le réalime historique, plutôt qu’une offense à certaines superstructures, auxquelles il se trouve que nous nous intéressons, bien que dans une certaine mesure la première critique doive venir via une considération ‘d’institutions’ superstructurelles.
Ce que fait l’art abstrait, c’est créer des possibilités significatives idéalisées. Ces dernières ne sont pas simplement ‘restrictives’, en un sens elles sont ‘irréelles’ car restrictives/restreintes : ce sont des erreurs métaphysiques. Pour l’opinion bourgeoise (à propos de la folie), ‘l’expansion mentale’ est contenue afin d’être à même de proposer un changement substantiel au niveau d’une conjecture inoffensive (idéologique).
L’interprétation de l’art abstrait en tant ‘qu’idéalisme tolérable’ de l’anormalité (cf. l’histoire des déviants, etc.) en tant que condition normative de la transparence idéologique/culturelle, ne fournit ou ne renseigne aucune projectivité sociale. C’est étrange ! Vraiment ? Cette critique court le risque d’être circulaire : ‘manquer de projectivité sociale’ signifie ‘fixer les objets de la contemplation’ et ‘fixer’ des relations problématiques sociales/ quasi-historiques. Mais est-ce un cercle de dire que l’art abstrait est seulement capable de servir un programme, qui ne forme ni ne sert un projet social ? Le problème, c’est que vous en revenez au ‘langage visuel’ comme moyen d’expression. Si l’on devait jamais soutenir la thèse que l’art abstrait est ou fournit un langage visuel, ou autre, alors il serait socialement projectif, quoique d’une façon limitée. Mais aucun Moderniste n’oserait le faire (encore qu’il se pourrait qu’on le voit, là, tranquillement assis à côté de quelqu’un qui le ferait à sa place) ; il tournerait en rond, à l’infini…
Il y a aussi le résultat de la division du travail ou la distribution de la fonction pour employer le style des sociologues. Si quelqu’un dit : ‘Les Kunstlers abstraits ne font que leur travail, à l’intérieur d’une circonstance déterminée’, vous pouvez répondre par des remarques assez fortes à propos de l’historicité de certains types de division du travail. L’invocation de ‘la division sociale du travail’ n’est souvent qu’un appel en faveur d’un ensemble proliférant de ‘techniques’ d’hégémonie… de mystifications. Vous pouvez répondre que la distribution de la fonction ne satisfait que quelques uns des critères invoqués, trop peu pour être une distribution sociale de la fonction. En ce qui concerne la proposition stipulant que le modernisme fixe l’art abstrait, nous parlons d’une division ayant lieu au sommet, de la revendication de choisir les meilleures possibilités significatives de la ‘société’. En ce sens, la distribution de la fonction n’est pas une forme historique – qui est ce par quoi elle devrait se rapprocher d’une division sociale du travail. Elle est non-historique et bureaucratique. Il existe des paramètres bureaucratiques ou d’organisation, ordonnés de telle manière qu’ils garantissent l’histoire (et l’historicité) que l’art abstrait pense devoir avoir. C’est l’histoire qui n’a aucune signification sociale – au mieux, une simple ‘authenticité’ linéaire.
Il y a aussi un concept d’art en tant que forme topique par rapport à un fond (historique). Il est juste de se demander dans quelle mesure on peut fonder la critique sur la base que ‘l’utilité’ historique sera une fonction de la signification topique, comme quelque chose d’intrinsèque à la pratique et comme ‘réelle’ par opposition à idéaliste. Pouvons-nous soutenir une notion de pénétration topique en tant que spécificité ? Ceci tend vers les critères ‘socio-linguistiques’ de la signification que l’art abstrait ne satisfait point, mais ‘socio-linguistiques’ est entre guillemets.
On est forcé (c’est-à-dire… on doit) satisfaire les exigences concernant une possibilité d’intentionnalité dans une pratique et la nécessité que ce soit une socialité possible – c’est-à-dire vulgarité dans la production, avec des accidents problématiques, non pas une simple intersection de champs. La conventionnalisation logique post-festum ne fait sortir aucune dialectique. ‘Vous pouvez avoir toute l’intentionnalité que vous désirez’ et (a) pour les dingues, la socialité est une affaire d’osmose mystérieuse, et (b) pour les Modernistes, laisser tomber : ‘Votre production est accidentelle tant que nous ne distinguons pas sur le tableau’. (De toute façon, le tableau est un accident, bien sûr, composé d’agencements a posteriori d’accidents.)
Si vous commencez à penser à l’art abstrait en termes ‘ordinaires’ – disons ceux qui vous encourageraient à poser la question : ‘Avez-vous une idée de ce dont vous parlez ?’ – ça devient tout bonnement idiot, plutôt insignifiant. La bureaucratisation (et la mécanisation triviale dans l’histoire) des œuvres d’art des autres, d’un art abstrait vaguement contemporain, situé en dehors de son propre réseau, des antécédents, etc., élude toute question. On devrait montrer jusqu’où les formes du conflit impliquées à l’intérieur et par rapport au modernisme et l’art abstrait sont situées dans la société bourgeoise ; en tant que conflits de connivences, ils sont engagés vis-à-vis d’une notion de société considérée en tant que se développant sur des lignes harmonieuses. Voilà ce qu’‘autonomie du modernisme’ signifie – quoi que pense Karl Marx de la Gesellschaft. Et cela ne se ramène pas à penser à la bureaucratisation du modernisme, de l’art ‘antérieurement’ abstrait, mais à sa bureaucratisation d’une autre forme d’art en tant qu’‘abstrait’. Quelques cas typiques : Clive Bell, ‘… pour apprécier une œuvre d’art, nous n’avons pas besoin d’apporter quelque chose de la vie, nous n’avons pas besoin de connaître ses idées et ses préoccupations, nous n’avons pas besoin de connaître ses émotions. L’art nous transporte du monde de l’activité de l’homme à un monde d’exaltation esthétique… La tendance à rechercher derrière la forme les émotions de la vie est toujours signe chez le spectateur d’une sensibilité défectueuse’ ; ajoutez : ‘Depuis que les primitifs Byzantins posèrent leurs mosaïques à Ravenna, aucun artiste en Europe n’a créé de formes plus significatives, à moins que cela ne soit Cézanne… Cézanne est le Christophe Colomb d’un nouveau continent de la forme’ etc., etc. Roger Fry quant à lui décrit l’œuvre cubiste de Picasso comme : ‘… un langage de la forme purement abstrait – une musique visuelle’ ; il décrit le post-impressionnisme comme la ‘redécouverte d’un élément essentiellement classique de l’art français antérieur’ ; Greenberg sur le ‘dernier Monet’ : ‘Il se peut que l’objectif quasi-scientifique qu’il s’était lui-même fixé dans les années 1890 ait entraîné une conception erronée des buts de l’art ; mais cela faisait aussi partie, et plus fondamentalement, d’un effort accompli en vue de lui donner un nouveau principe de consistance. Ce qu’il a trouvé à la fin ne fut pas tant un principe nouveau, qu’un principe englobant, qui ne se trouvait pas dans la Nature comme il le croyait, mais dans l’essence même de l’art, dans le ‘côté abstrait’ de l’art. Qu’il n’ait pas pu reconnaître ceci lui-même est sans importance. Ce fut sous la tutelle de l’art du Monet de la maturité, que ces mêmes jeunes américains commencèrent à rejeter le dessin sculpturel – le dessin en tant que dessin – parce que fignolant trop et insignifiant, et se tournèrent alors vers le dessin ‘spatial’, le dessin ‘anti-dessin’’. Etc., etc. Comparez et opposez à vos risques et périls, les psychologismes de Read, de Rosenberg etc. Les deux parties utilisent des enfants, les primitifs etc., comme gages exemplaires de leur propre pureté éthique ou esthétique. Ces conflits sont ‘petits’ : la métaphysique formaliste de ‘l’Esprit’ (le sens-commun supérieur des bourgeois éduqués dans la tradition des héros de la culture européenne choisis par l’homme) et la métaphysique formaliste du formalisme sont frères et sœurs. Pour ainsi dire, ce sont les enfants d’un même lit. D’un point de vue qualitatif, pédophile et gérontophile sont différents, cependant ils sont tous deux des pervers, n’en déplaise à Clint Eastwood.
A l’intérieur de ce développement ‘harmonieux’, on bureaucratise des tendances apparemment antinomiques – comme par exemple le Constructivisme et Matisse. L’enveloppe, tout d’une pièce, de l’histoire Moderniste ne permet pas une réelle opposition. ‘Les problèmes’ sont rejetés (exemple, dans le cas de Bell, l’art ne remplissait manifestement pas des fonctions ‘descriptives’) comme n’étant pas de l’art – ne faisant pas partie du dialogue.
Quand Maurice Denis énonça son célèbre cliché (qui avant d’être une image est une composition formelle), pourquoi personne n’a-t-il pris la peine de dire : ‘Eh alors ?’, ou bien : ‘Cela fait des siècles que c’est évident !’ ? Si on étendait grammaticalement la considération au-delà de la mimèse, on ferait apparaître cette remarque de Denis comme absolument philistine et arbitraire, servilement ‘constructiviste’ et nullement comme une règle fondamentale ‘thématique’ ou technique. Et on pourrait continuer en faisant observer que ‘le plan de l’image’, ‘le support’, ou ce que vous voulez, représente une division absurde (bureaucratique) du travail (une distinction purement technique) vis-à-vis des effets ‘libérants’ de la photographie ; une ordonnance prescrivant davantage de spécialisation (encore plus arbitraire), rien de plus, un morceau de production idéologique impliquant une erreur, à savoir, qu’une remarque technique est/était basée sur une découverte authentique, plutôt que sur un truisme sous-cutané (et/ou qu’une telle remarque présente en toute bonne foi ‘le plan de l’image’ comme une véritable ou une authentique alternative historico-pratique à ‘la fenêtre sur le monde’.
On pense aussi à des remarques compatibles à propos de la sculpture (l’art classique contre le Romantisme chez Hegel), à des notions imaginées à partir de la contiguïté accidentelle d’opportunismes morphologiques sur une base technique: ‘Passez-moi mon T’ en guise de ‘style’.
Personne n’a jamais sérieusement pensé que l’art figuratif (la peinture) offrait ‘une fenêtre sur le monde’ et c’est tout. A l’intérieur de la remarque de la vieille dame, il y a de la dialectique : ‘Les niveaux finissent comme des types’, etc. ; il y a fenêtre et fenêtre, et différentes qualités de fenêtre à l’intérieur d’une même armature ‘architecturale’, etc., il y a les vitres d’où l’on voit d’un seul côté ; il y a les vitres d’où l’on voit des deux côtés. Et laissez tomber Tim Clark.
Et si ce qu’on propose en alternative à la ‘fenêtre’ est l’inertie ennuyeuse (et ennuyée) de Don Judd – en tant que ‘monde’, ou du moins l’une de ses subdivisions – pourquoi se donner la peine de rejeter la fenêtre ? Au moins elle offrait (se devait d’offrir) une certaine vivacité. Les catégories se développent si facilement. (L’attaque que lancent les Modernistes de la peinture sur le caractère ‘littéral’ des objets fabriqués par les Modernistes de type minimaliste est une attaque faite au nom de la désirabilité d’être capable de voir un X comme un Y. Ceux du type peinture – y compris Caro etc. – sont anxieusement désireux de garder à distance la possibilité de caractère simple dans les objets de contemplation qu’ils fixent et produisent et fixent etc. Ils n’ont vraiment pas de raison de se faire du souci ; il existe davantage de façons et autrement efficaces, de se débarrasser de Don Judd etc. que de façons de le voir en tant que producteur d’objets ‘simples’.)
Les convictions et les conventions aux racines maintenant apparentes sont ce qui semble être les outils de démolition adéquats, plutôt que le banal ‘ésotérisme’ que reflète Artforum. Et qui se soucie de ‘l’alternative’, des inepties de Leo Steinberg à propos de J. Johns etc ? Le photo-réalime, si nous devons le nommer, arrive naturellement ; c’est l’art abstrait, dans la mesure où il correspond à une confusion technique similaire et apparentée à celle qui a alimenté ‘l’Abstraction’.
Bien sûr, il y a des ‘nuances’ intermédiaires, mais elles ne sont pas nécessairement plus défendables. Songez à ces vieux bougres qui renoncèrent à ‘la représentation figurative’ pour en arriver aux ‘Semi-Abstraits’, les pauvres vieux !
Il faut montrer que les gens (aux prétentions artistiques) qui se disent
trop sophistiqués pour être surpris aujourd’hui par ces hypothèses ou ces
‘théories’, ou pour les considérer comme problématiques, sont plus vivants
au sein de la société qu’Artforum ou l’idéologie de l’art ne veulent l’admettre.
Ce n’est pas oublier le relativisme historique ou la philosophie de l’histoire
constructrice de lexique ; c’est reconnaître que l’art abstrait n’a
pas d’histoire dont on puisse parler, dans la mesure où il n’a pas d’histoire
significative.